Épisode podcast

~ Dialogue avec Karen Lano ~

  • Karen Lano
    par Le son et la plume

    Karen Lano, poétesse musicienne, nous dévoile son nouvel album « L’âge d’or ». Un coup de cœur […]

Karen Lano - podcast

Transcription de l’épisode

Le Son eet la Plume
Bonjour Karen Lano, merci d’accepter l’invitation sur ce nouvel épisode du Son et la plume.

Karen Lano
Bonjour, merci de m’avoir invité.

LSP
Karen, un album L’Âge d’or, empreint de folk française…
L’Âge d’or, on va en parler. C’est le nouvel EP… nouvel album, pardon, qui est bien accueilli par la presse et la critique

Karen Lano
C’est vrai qu’à chaque sortie d’album, on se demande toujours un peu comment il va être reçu, et si il va être reçu. Là, c’est vrai qu’il y a eu un écho assez fort de la part des médias et de la presse, notamment. Il y a eu un beau soutien, coup de cœur sur Radio France.

LSP
Album recommandé par Le Monde, il y a eu les étoiles de la semaine avec les recommandations de Libération, de Taratata… enfin, de plein de médias comme ça.

Karen Lano
Et je suis vraiment très reconnaissante, parce que c’est vrai qu’on sent que les journalistes, les personnes qui se penchent sur L’Âge d’or, prêtent une oreille très attentive et mettent du cœur quand ils font un retour. Donc, ça fait très plaisir.

LSP
Oui, je comprends. Karen, quand vous êtes en créativité, quand vous écrivez, dans quel état vous êtes ?

Karen Lano
Rire… plutôt joyeuse. Je suis quelqu’un qui a besoin, dans une forme de créativité, d’un peu de folie, reliée à la joie, au plaisir, à quelque chose de sensoriel. Je suis beaucoup moins efficace quand je me sens très triste. Mais ça ne veut pas dire que je n’en fais rien de cette tristesse, de ma mélancolie. Ça ressort quand même dans mes chansons, mais pas dans des états où je suis vraiment au fond du trou. Sinon, voilà, j’arrive pas à mettre ça sur papier. Donc, j’ai besoin d’avoir remonté un peu la pente pour avoir le recul nécessaire et être dans un état plutôt léger.

Initialement, cette tenue n’était pas celle qu’on avait choisie avec Naïade Plante, la photographe. Puis Sylvie Hoarau qui faisait partie des Brigades, a suggéré cette combinaison. Et c’est vrai que moi, j’avais cette couronne de fleurs. En voyant l’association des deux, il y avait à la fois un côté assez moderne par le tissu un peu satiné croisé, qui faisait penser à une tenue des années 50, et en même temps cette couronne de fleurs qui faisait un peu fête païenne.

Ce qui m’a le plus plu dans cette photo, c’est justement le fait qu’elle évoque plusieurs choses. Elle est à la fois très cinématographique – je me suis dit que ça pourrait être une figurante ou une actrice sur un film des années 50 –, et en même temps, un être qu’on aurait croisé dans une forêt, ou un personnage relié à la mythologie grecque. Il y a cette possibilité aussi, du fait du noir et blanc, qui donne un côté intemporel à cette photo que j’aime beaucoup.

Pause musicale

Karen Lano
Je pense que ce qui est plus difficile en France, c’est que la folk est vite connotée. On pense rapidement à une guitare et une voix. Il y a peut-être une culture folk en France qui est un peu axée sur cette base-là, et un peu moins du côté de l’indie folk.

Moi, j’ai écouté des groupes comme Bon Iver, Grizzly Bear, Fleet Foxes, Agnes Obel… Il y a un mélange entre des instruments acoustiques et des instruments électroniques et électriques. Il y a aussi des boucles sur des morceaux. Ce mélange-là, c’est ce qui m’intéresse et ce qui a vraiment articulé L’Âge d’o. On est parti d’une colonne vertébrale en guitare-voix, et on a rajouté des instruments tantôt électriques, des synthés, des guitares électriques, des violons, des cuivres…

En fait, tout ce mélange d’instruments, à la fois acoustiques, électriques et électroniques, c’est pour moi une façon de faire de la folk aujourd’hui en France. Plus qu’en chanson guitare-voix toute simple et dépouillée – que j’adore, hein – mais je pense que les gens pensent beaucoup à Bob Dylan, par exemple, pour la folk. Et dans l’imaginaire français, c’est quand même beaucoup ça : guitare-voix.

Je suis plutôt quelqu’un qui fredonne beaucoup. Mon instrument le plus développé, c’est la voix. À l’instar d’un saxophoniste ou d’un trompettiste qui ferait des jams avec des phrases mélodiques, moi je fais pareil à la voix. J’imagine des mélodies qui sortent du néant, sans aucun support pour m’aider. C’est le simple fait de laisser ma voix naviguer dans une mélodie que j’entends et qui me guide.

Au bout d’un moment, j’ai une phrase mélodique, et je me dis : « Tiens, ça pourrait être la phrase d’un couplet. » Puis j’imagine une phrase qui pourrait lui répondre, et ainsi de suite. À partir de là, je vais poser des mots dessus. Mais ça part vraiment de rien, du silence.

LSP
Tout est dit, et le reste est dans les blancs.

Karen Lano
Oui, complètement. Le silence fait partie intégrante de la musique. Pour moi, c’est primordial. Dans mon quotidien, le silence est totalement nécessaire. J’en ai besoin pour me reconstruire, pour me ressourcer. J’ai la chance de vivre à la campagne, donc d’y avoir accès très facilement.

Mais le silence dans la musique, ça dit énormément de choses. C’est la résonance de ce qu’on vient de dire, de ce qu’on vient de ressentir. C’est un espace à part entière. J’ai beaucoup de mal avec les musiques où il n’y a pas de silence. Après, j’en écoute, hein, quand c’est pour ambiancer ou pour danser. Mais c’est vrai que le silence, c’est très important. C’est vraiment la respiration.

LSP
Tu évoques Olivier Legal à deux reprises. Tu peux nous en dire un mot ?

Karen Lano
Oui, tout à fait. Olivier Legal est mon guitariste et cocompositeur. On travaille ensemble depuis plusieurs années. On a fait l’album Musæ ensemble, on a monté un label de musique qui s’appelle Le Champ des Muses, un label folk normand.

Avec ce label, on a produit Musæ (sorti en 2021), un autre vinyle qui s’appelle Sortilège (sorti en 2023), et donc L’Âge d’or (sorti en 2024). On travaille beaucoup ensemble parce qu’on a des sensibilités très proches. On comprend la musique de la même manière, on a des références communes, un langage commun. Donc, c’est très fluide entre nous.

LSP
À partir de Musæ, vous avez créé un label de folk normand ?

Karen Lano
En fait, c’est plus une manière de revendiquer qu’on a monté un label sur le territoire normand, que de désigner un style de musique. Ce n’est pas du « folk normand ».

LSP
Ah d’accord, c’est lié à la géographie. (rire)

Karen Lano
(rire) .. Oui, oui. C’est une manière de dire que c’est un label de folk, basé en Normandie.

LSP
On a le plaisir de découvrir et d’écouter de belles collaborations dans l’album.

Karen Lano
Oui, il y a des invités comme Brisa Roché, qui est venue poser sa voix sur Femme nature. Brisa est une artiste indépendante que j’aime beaucoup, franco-américaine. Elle a une grande poésie en elle, une grande lumière.

Il y a aussi Émilie Loiseau, une artiste dont j’ai beaucoup écouté les disques. J’avais pensé à elle parce que c’est une femme engagée. Je lui ai proposé une chanson qui parle du bagage culturel, de la charge mentale imposée aux femmes. Cette nécessité – ou plutôt ce manque – de ne jamais faire assez, ne jamais être assez crédible, jolie, jeune, intelligente, drôle…

J’espérais que cet aspect lui parlerait, et bien sûr, qu’elle aime la chanson en elle-même. Je lui ai envoyé, et elle a dit oui. J’étais très heureuse de l’avoir en collaboration sur cette chanson.

LSP
La place de la littérature dans votre vie ?

Karen Lano
Je lis de façon constante. Pour moi, ça entretient énormément mon imaginaire. Je ne prétends pas avoir une culture littéraire très riche ou très référencée, mais je sais que ça me nourrit beaucoup. C’est un canal essentiel pour accéder à un monde intérieur, à une visualisation intérieure.

Je trouve que c’est tellement nécessaire aujourd’hui. Avec les réseaux sociaux, il y a cette tendance à effacer l’imaginaire, à couper l’espace qu’on a pour la rêverie. Dès qu’on est en attente, dans une salle d’attente, à un arrêt de bus, on a notre téléphone à la main. Tout est construit pour nous solliciter en permanence, pour qu’on reste sur ces écrans.

Et je trouve que c’est autant de temps perdu où on ne rêve pas. C’est tellement nécessaire de rêver, de révasser. Mais c’est mal vu : dès qu’on révasse, on passe pour quelqu’un de léger, de pas efficace.

La littérature, pour moi, c’est ça : accéder à la visualisation intérieure, s’imaginer des personnages comme son voisin ne les imaginerait pas. On a beau lire le même livre, on ne voit pas les personnages de la même manière. Et ça, c’est formidable.

LSP
Karen, si votre album était un essai ou un roman, qui en écrirait la préface ?

Karen Lano
C’est une bonne question… Peut-être quelqu’un comme Marguerite Duras. J’hésitais entre Jane Austen, Emily Brontë, ou plus moderne comme Françoise Sagan ou Simone de Beauvoir.

LSP
Quelles sont les inspirations de vos textes ?

Karen Lano
J’ai l’impression d’appartenir à un courant un peu surréaliste. Il y a beaucoup de métaphores, d’images poétiques, de jeux avec les sonorités. Il y a vraiment un lien avec la poésie, un regard poétique.

Je peaufine petit à petit. Quand j’ai la mélodie, je vois comment elle s’articule, et je pose des mots dessus. Mais ça part vraiment de rien, du silence.

LSP
Je suis intimement convaincu de la portée poétique des textes de la chanson française.

Karen Lano
Tout à fait. Contrairement à ce qu’on dit parfois, la chanson française est un art majeur.

LSP
Karen, quel est le moyen de transport que vous préférez ?

Karen Lano
Le train. La voiture, c’est chouette, on écoute des podcasts, mais on est assez actif. Alors que le train, c’est un lieu pour laisser ses pensées vagabonder. Et le regard qui glisse sur le paysage…

LSP
Quels sont les podcasts que vous aimez ?

Karen Lano
J’aime beaucoup Totemic de Rebecca Manzoni. En général, j’aime les podcasts d’histoires, de témoignages. J’écoute Les Pieds sur terre, LSD, Affaires sensibles. J’écoute aussi des émissions de musique sur France Musique, pour me cultiver.

Mais j’aime beaucoup les histoires de personnes. Quand j’ai du temps, je me dirige vers des émissions de témoignage.

LSP
D’où vous vient la musique, le chant, la voix, l’écriture ?

Karen Lano
Je pense que les premiers émois musicaux sont arrivés à travers le cinéma. Mon père est cinéphile, et il voyait que j’aimais les comédies musicales, les vieux films. Il m’a montré des Chaplin, et petit à petit, il m’a fait découvrir plein de classiques.

Cette présence de la musique comme vecteur émotionnel dans les comédies musicales, c’est ça qui m’a vraiment plu. Par exemple, Chantons sous la pluie, que j’ai regardé des dizaines de fois. Ces moments où, dans la vie, tout d’un coup, on se met à chanter… Je trouvais ça ravissant.

Plus tard, j’ai écouté de la musique à la radio, et on en parlait avec les copains. Mais dans l’enfance, c’est vraiment par le cinéma.

Un de mes grands chocs musicaux, c’est Le Fil de Camille. Quand je l’ai entendu pour la première fois, j’ai couru l’acheter et je l’ai écouté pendant des mois. Il y a aussi Kate Bush, dont les albums m’ont totalement bouleversée.

Plus récemment, j’ai eu des coups de cœur pour des artistes comme La Chica, ou Gilda (Camille Constantin Da Silva), qui travaille avec Anne Paceo. Ce sont des univers où il y a beaucoup de liberté, une utilisation de la voix très libre.

LSP
Quand vous aimez un album, vous l’écoutez en boucle ?

Karen Lano
Oui, jusqu’à épuisement. Et après, je ne l’écoute plus du tout. (Rires) Par exemple, Grace de Jeff Buckley, ça a été un choc immense. J’ai tout écouté, puis plus du tout. Récemment, j’ai vu le spectacle Grace à la Philharmonie, et réentendre ces chansons dans une salle de spectacle, ça a été un deuxième choc.

LSP
Est-ce que vous relisez des romans ?

Karen Lano
Non, justement, je me demande comment font les gens qui relisent des livres. Ça me fascine. J’ai déjà tellement à faire avec le cinéma – je regarde beaucoup de films – et ce qui me fait peur, c’est comment on oublie. Parfois, je regarde une jaquette de DVD et je ne me souviens plus de quoi ça parle.

Je n’ai pas de genre spécifique. J’aime tous les cinémas, aussi bien le cinéma d’auteur que le cinéma de divertissement. J’ai autant de plaisir à regarder un Spielberg qu’un Robert Bresson.

Mais c’est toujours une merveille, une découverte au cinéma. C’est une émotion énorme.

Karen Lano

Karen Lano est une auteure-compositrice-interprète française, dont la musique s’inscrit dans un univers folk poétique et introspectif, mêlant acoustique et touches électro. Originaire de Normandie, elle se distingue par une approche artistique où la voix, les mélodies évocatrices et les textes sensibles occupent une place centrale.

Avec des influences allant de Kate Bush à Jeff Buckley, en passant par Bon Iver, Karen Lano explore des thématiques liées à la nature, à l’émancipation féminine et à l’introspection. Son album L’Âge d’or (2024), salué par la critique, illustre son goût pour les arrangements riches et les collaborations artistiques (comme avec Brisa Roché ou Émilie Loiseau).

Co-fondatrice du label Le Champ des Muses, elle défend une création musicale indépendante et ancrée dans son territoire. Son univers visuel, souvent onirique et cinématographique, reflète son attachement à la poésie du quotidien et à la puissance des silences.

Artiste pluridisciplinaire, Karen Lano puise aussi son inspiration dans la littérature et le cinéma, affirmant une sensibilité résolument libre et contemporaine.

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